lundi 1 avril 2019

EN FEVRIER C'ETAIT DAKAR

Alors que la vie a reprit son train train quotidien, les souvenirs du Sénégal et les visages de toutes ces personnes rencontrées restent dans ma mémoire, avec cet unique constat:
quelle mission humanitaire médicale extraordinaire.

Lorsque je revois mes amis ou ma famille, la même question dans leur bouche : "Alors c'était comment?"... Mais il m'arrive de rester sans voix. Non pas parce qu'il n'y avait rien à dire mais bien au contraire, trop de choses qu'aucun mot ne peut traduire.
Je vais cependant maintenant tenter d'exprimer ce que mon cœur a pu ressentir et ressent encore aujourd'hui sur cette expérience hors du commun auprès de ces lépreux si chers pour moi.

1-L'arrivée en Afrique

Alors que j'avais quitté l'Afrique en 2016, remettre les pieds sur ce que j'aime appeler "ma terre natale" fut une réelle joie. Quelle consolation que de retrouver ces "habitudes", ces odeurs, ces coutumes, ces sourires, ces dialectes à apprendre, ces rires, ces coupures d'eau, ces expressions verbales, ces arachides, cette chaleur, ces habitudes alimentaires...Dès l'arrivée sur le tarmac de l'aéroport, les 28° C m'ont accueillis les bras grands ouverts laissant alors tomber mon manteau d'hiver, mon gilet et mon pull pour laisser place au tee shirt.

 2- L'arrivée au Centre Hospitalier de l'Ordre de Malte (= CHOM)

L'entrée du CHOM
Le lendemain de mon arrivée, j'ai pu arriver en taxi (50centimes la course) vers le CHOM pour y découvrir ce qui aura été ma seconde maison sur Dakar.
Le long du trajet de mon "chez moi" au CHOM fut un réel plaisir de redécouvrir les joies des embouteillages, des odeurs de pollution, des vendeurs de rue en tout genre, des klaxons et des "Non règles" de la circulation....
Après quelques kilomètres, une arrivée au fond d'un chemin sec et aride fut l'entrée dans un centre hospitalier en perpétuel renouvellement et agrandissement depuis maintenant 50ans.

Mur du CHOM
Sur place, je découvre une équipe pluridisciplinaire que très rapidement et naturellement j'appelle ma "famille Sénégalaise". Tout d'abord, avec mes 2 référentes de stage:
-Dr Lahla -dermatologue et léprologue et Astou, ma surveillante de soins de Médecine.
-Puis mes 2 laborantins préférés Marie et Asna.
-Ensuite, mes 2 TRES GRANDS kiné-rééducateurs préférés (mesurant 2m02 et 2mètres 05).
-Sans oublier mes infirmières et brancardiers au cœur d'or : Raby, Marie, Cécile, Paul, Athanase, Ismaël, Fatou, .... avec qui j'ai eu la joie de passer de belles journées en rire, chanson, blagues et sourire permanent.

Astou - moi- Dr Lahla - Cécile

3- Planning de la mission

 Mon programme sur place s'articulait autour de la prise en charge de la lèpre dans les services de médecine, de chirurgie, au bloc opératoire, de consultations externes, au laboratoire, en rééducation, auprès de la cordonnerie et de l'assistante sociale.

Grâce à ce panel très large d'acteurs dans la prise en soins des lépreux, j'ai ainsi pu découvrir de nombreuses nouvelles choses source d'un enrichissement personnel / professionnel important.

Des moments intenses et riches à la suite:
- de mon passage au bloc opératoire pour la réduction de paresthésies / compressions de nerfs
-de mon passage au laboratoire avec la découverte des Bacilles sur des lames après coloration
- de mes passages quotidiens au chevet de mes patients préférés pour passer du temps avec eux, boire le thé à 15h00, apprendre à parler Wolof, jouer aux dames à 16h00 ou faire des checks de salutations


Lors de ces moments professionnels, c'était avec joie que je passais ce temps à leurs cotés. Pour beaucoup, les premiers jours d'hospitalisation étaient source de larmes, expression de leur souffrance intérieure, et puis petit à petit de sourires et enfin d'éclats de rire.
C'était le cas d'Isseu, une jeune femme de 23 ans, atteinte dans la forme la plus avancée de la maladie. La première fois que je l'ai vu, celle-ci pleurait sans cesse et baissait la tête en permanence de peur qu'on la regarde. Écrasée par la maladie et victime du rejet de la société, il a fallu "apprivoiser"Isseu, en passant du temps à ses cotés, pour lui redonner la dignité humaine qui lui est dû.
 

4- Activités dans le pays

Au cours du séjour, après mes semaines de travail, j'avais tout le loisir pour voyager dans le pays. C'est ainsi que j'ai pu découvrir les fonds marins lors d'une plongée sous marine, de découvrir l'espace aérien par une excursion à"AccroBaobab"-de l’accrobranche à 17m de hauteur dans une réserve de baobabs, découvrir les marchés en tout genre, vivre une messe dans le monastère de Keur Moussa, passer un we sur la mangrove, déjeuner près du lac rose, arpenter les rues de l'ile de Gorée (lieu de l'esclavage)…

 Ces temps libres m'ont donc permise de voir despaysages splendides aux mille couleurs, aux mille saveurs et de baigner pleinement dans l'ambiance de ce pays adoptif pour quelques semaines.
Une richesse tant professionnelle que personnelle pour vivre de nouveaux auprès de ces malades qui sont chers à mon cœur. 

Pour finir, ce mail a aussi comme objectif de répondre aux questions que vous êtes nombreux à me poser. Les voici :
- à ceux qui me demande pourquoi j'aime prendre en charge ces malades porteurs de la lèpre …
A ceux-là je pourrais répondre, après réflexion, que ces malades ont ravagé mon cœur d'Amour lors de ma mission en Inde, de part leur exclusion de la société, de part leur souffrance intérieure et extérieure, de part leurs difficultés à s'accepter/se regarder, de part leur faiblesse dans ce monde et enfin de part leur corps si mutilé. A l'image de Sainte mère Teresa et de Saint Damien de Molokai qui sont devenus mes saints préférés, j'essaie de donner un peu de cet Amour qu'ils ont bien souvent perdus...
 
-à ceux qui me demande si je peux attraper la maladie. A ceux là, je leur répond que le risque 0 n'existe pas dans une vie.  La maladie est liée à une bactérie contagieuse, sans vaccin, mais qui possède un traitement. En réponse, 2 questions: pourquoi passer sa vie à craindre quelque chose ? Sommes nous esclave de la peur dans nos vies?
- à ceux qui me demande pourquoi j'aime autant l'Afrique noire … A ceux là j'aime leur répondre qu'en fait "je suis albinos et que mes parents sont noirs". Plus sérieusement, depuis l'enfance j'ai toujours su que je partirai en Afrique soigner les malades… Était-ce un appel ? Chose certaine, l'Afrique est pour moi ma terre.
-à ceux qui me demande quand et ou sera ma prochaine mission … A ceux là, et bien, je n'ai pas de réponse… aujourd'hui !. … Non pas parce que je n'en ai pas l'envie - au contraire- mais parce que j'aime me laisser guider par une demande, un appel, une piste… La seule certitude réside dans mon désir de repartir prendre soin des lépreux à travers le monde. 

Puisse cet article vous faire vivre un peu de ces temps bénis que j'ai pu vivre et à ce petit bout de Ciel qui s'est ouvert pour atteindre mon cœur lors de cette mission auprès des pauvres…

J'espère à très bientôt.
Je vous embrasse.
Myriam-Elise

" La plus grande souffrance est de se sentir seul, sans amour, abandonné de tous". Sainte Mère Teresa